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À mon arrivée, Nadège n’était pas encore rentrée de la boulangerie. Immédiatement Kader se lança :

- Tu pourrais m’envier mec, je sais. Je balance une merde et c’est un best-seller alors que tes livres personne ne les achète. J’ai une femme superbe avec qui je m’entends super bien, un amour béton, alors que tu te demandes pourquoi tu es encore avec ton Amina… pourtant… tu as sûrement la solution à notre gros problème. Y’a qu’un truc qui fonctionne entre toi et Amina, le sexe, alors qu’en plus Amina n’est pas vraiment normale de ce côté-là, et c’est ce qui ne marche pas avec Nadège. [je ne voyais pas où il pouvait arriver...] T’as découvert comment fusionner, comme tu dis, avec elle, alors qu’elle est excitée, comme tu dis… (- excisée – c’est ce que j’ai dit) et moi, avec Nadège, elle fait tout ce que je veux mais je ne m’en sors pas. Je prends mon pied mais pas elle, alors à force ça me bloque. Une vraie planche ! Que je la prenne par devant ou par derrière, c’est la même chose pour elle. Elle m’a raconté qu’elle avait été violée à 10 ans et que c’est une réaction normale des filles qui ont subi ça. Elle le croit ! J’ai eu beau lui apprendre que toutes les filles sont violées entre 8 et 12 ans, non seulement elle ne me croit pas mais elle m’a fait la gueule quand je lui ai raconté qu’Anaïs était une vraie bombe sexuelle après. Un viol, c’est pas pire que d’être charcutée, c’est quoi le truc pour qu’elle soit vraiment dans le jeu ? Comment tu as fait ?
- J’ai connu une femme également violée enfant, Mayline, et elle m’avait prévenu, c’était une planche. Si tu cherches une bombe sexuelle, tu n’as qu’une solution…
- Je me doutais bien que tu avais la réponse !
- C’est de trouver une autre femme ! Si tu veux, y a Amina qui va bientôt être disponible !
- Attends, je trouve une femme quand je veux, où je veux, c’est pas le problème. Mais Nadège, jamais ! C’est le top et y’a pas mieux !
- Donc, il faut que tu acceptes la situation. On croit que la vie est simple mais quand on gratte un peu, quand on souhaite atteindre le bien-être, on découvre le noyau noir… Nous avons tous nos blessures… Tu en as sûrement.
- Moi ? Aucune ! Je suis le mec le plus équilibré de la terre.

Je n’ai pas jugé nécessaire de lui expliquer la manière dont il projetait sur moi l’image du père absent et sur Marcel celle du grand-père. Peut-on occulter ses blessures profondes comme Amina le prétendait dans un de ses mails de mai, un texte qui me repassait partiellement en tête, son optimisme à toute épreuve…

Kader continuait :
- Tu comprends, j’ai besoin qu’une femme bouge, remue, que ce soit un combat, qu’elle ait des orgasmes. Mais rien. Absolument rien.
- Tu sais Kader, Amina a voulu me transformer en musulman, elle a échoué. J’ai voulu changer Amina, j’ai échoué. Si tu souhaites faire de Nadège une bombe sexuelle, tu échoueras !
- Rien ne me résiste ! Quand je veux quelque chose, je le prends ! Tu as bien vu, je voulais Nadège, je l’ai eue.
- L’amour c’est accepter l’autre comme il est. Ce n’est pas prendre mais accueillir avec joie ce que l’on te donne. Quand je te concède avoir voulu changer Amina, c’était simplement essayer de modérer sa volonté de me transformer ! J’ai accepté qu’elle soit musulmane, excisée, dépensière quand c’était avec son argent mais je lui ai demandé de m’accepter comme je suis, athée, intellectuel précaire, surtout précaire, pauvre même, plutôt stoïcien même si je n’ai pas lu une ligne de Sénèque depuis notre cohabitation sous un même toit.
- Mais tu sais comment mettre dans le mouvement une femme qui a des problèmes sexuels ! C’est sur ça que je te demande de m’aider ! Tu te rends compte, quand je suis en elle, c’est comme si elle dormait. J’ai presque l’impression de baiser une morte. Pour elle ce serait quand même mieux aussi !
- De la même manière, Amina prétend que c’est pour moi qu’elle veut me convertir, que ce serait mieux pour moi...
- Mais ça n’a rien à voir !
- Tu peux essayer de croire que c’est possible. Mais j’ai l’impression que tu t’es engagée avec une femme uniquement parce que tu la désirais mais qu’elle ne correspond pas à ce que tu cherchais. Un peu comme moi ! Finalement, on a des points communs ! Toi comme moi on aurait dû les baiser quelques semaines et savoir partir...
- Y’a pas mieux que Nadège ! Tous les potes en étaient dingues !

Elle est arrivée. J’ai pensé "la femme que je connais, personne ne l’a connue avant." J’ai eu envie de lui en parler. J’ai immédiatement réfléchi à la manière d’aborder le sujet, ne voulant surtout pas prendre le risque d’une maladresse qui la bloquerait également avec moi...

Rentré, je recherchais ce « mail de mai 2010. »

C’était le 20, à 11 heures 23

Amour,

Je suis une incorrigible optimiste, je souris déjà, le cœur est moins gros, les pensées plus sereines. Ma capacité à sourire et ma carapace me sont d’un grand secours, Amour.
Ça me permet d’aller de l’avant. Ma devise : ne pas noircir mon cœur. Mon cœur doit rester sain et propre. Je ne veux pas de haine, de mauvaises pensées, envers qui que ce soit, quoi que ce soit. Je veux rester naïve toute ma vie, garder mon cœur d’enfant.
Ne t’attaque pas à ça, Amour. C’est l’enseignement de mon père : aucun être n’est mauvais. Oui personne n’est mauvais. Simplement, on juge par rapport à nous, à nos visions et si ça ne colle pas, on dit que l’autre est mauvais.

Je t’Aime Amour, du plus profond de mon cœur. Pour moi, c’est l’essentiel, Amour. Je suis heureuse de notre Amour. C’est tout ce qui compte. Je ne peux, je ne veux détester personne, Amour. Je ne l’ai jamais fait. Je ne vais pas commencer maintenant. Je tiens à l’intégrité de mon cœur. Je ne veux pas de haine dans ma vie, Amour.

Ce que je veux Amour, c’est une vie pleine d’amour, c’est une vie naïve, simple, remplie par des êtres que j’aime et qui m’aiment. J’ai envie de consoler des inconnus qui me semblent malheureux, Amour. J’ai envie de distribuer le sourire, la joie, le bonheur. Tout est prétexte à rendre la vie belle.

Elle est belle la vie, chaque seconde est précieuse. Pas la peine de la gaspiller en douleurs ou regrets. On est blessé par la vie mais on est encore victorieux sur elle car on vit. Eh oui, on vit. Le seul malheur est la mort, Amour. Tant qu’il y a la vie, y a l’espoir, y a le bonheur.
Je veux être un roc du bonheur, Amour. Icare s’est brulé les ailes en voulant atteindre le Soleil. Le bonheur me brulera peut-être les ailes mais je ne renoncerai pas, même avec l’annonce du vih.
Je "crains" seulement Dieu... et la mort. Pas pour moi, pour ceux que j’aime.

Pour le vih, ma plus grande crainte n’est pas que je l’ai mais que tu l’aies, toi. Si toi tu l’as pas, même si je l’ai (la pensée m’en est venue hier), je serai heureuse.
Je ne dis pas que ce serait pas un malheur mais quoi Amour, pour l’instant je l’ai pas, je vais pas me rendre malade à l’avance ? À quoi ça sert ? Même si je l’ai, à quoi ça servirait que je haïsse celui qui me l’aura transmis ? À quoi ça sert la haine ? À quoi servent les regrets ? À quoi sert la culpabilité ? À quoi sert la douleur ?
Je ne dis pas que la douleur n’est pas là mais à quoi sert-il de la laisser bouffer le bonheur ?
Mes douleurs sont multiples, si j’y réfléchis, je n’y survivrai pas. Je préfère vivre le bonheur. Réfléchir à ce que je peux faire à l’avenir pour que tout se passe mieux. J’y réussirai pas ou à moitié ou au quart mais d’autres rêves prendront le relais... jusqu’à la mort.

Ma petite sœur ainsi que ma cousine viennent aujourd’hui. Je suis contente.

Je t’Aime.

Ton Amour.

Je me surprenais à simplement penser « à force de te masquer la laideur des autres, tu as engrangé des tonnes d’horreurs dans ton cœur, pauvre Amina ; ce n’est pas en se cachant la réalité qu’on peut avancer dans la direction de l’harmonie... » Une phrase s’est mise à tourner dans ma tête « Elle est belle la vie, chaque seconde est précieuse. » Où l’ai-je déjà lue ? Certes dans ce mail… mais non, ailleurs… Carlo ! Je me connectais immédiatement à l’adresse d’Amina sous yahoo, celle qu’elle avait fermée d’un geste théâtral fin juin 2010, pour bien me montrer que sa vie changeait totalement… Celle que j’avais réussi à récupérer en août, quand elle m’avait donné les réponses à ses questions secrètes qui permettaient de la réactiver… Elle avait effectivement tout détruit de ses échanges avec ce Carlo… Mais il demeurait dans la liste des contacts… je lui avais alors écrit :

Sujet : Amina

carlo,
peux-tu me renvoyer les mails que je t’ai écrits depuis notre belle rencontre de décembre ?
Amina 

Il s’était rapidement exécuté, j’avais ainsi découvert la grande lettre d’Amour d’Amina de 848 mots…

« …et voici, Carlo le fait.

Elle est belle la vie, chaque seconde est précieuse !
Elle est belle la vie parce que elle est pleine de surprises !!! »

Oui, elle est triste la vie, parce que cette putain m’écrivait son Amour avec les mots de son amant. Mais cette découverte n’avait plus d’importance. Dérisoire. Simplement dérisoire. Risible. Elle pouvait masquer ses monstruosités, les recouvrir de pelletés d’insouciances, essayer de croire en son âme d’enfant, celle de la petite fille qui déifiait son père au point de ne pas pouvoir l’imaginer mortel. Elle dénichera toujours des "amis" pour croire en son baratin. Je l’ai crue. Que cherche-t-elle ? Tout simplement à apaiser cette douleur de la disparition du père, encore vingt ans plus tard. Même si le suicide du mien fut un soulagement, l’immense espoir d’enfin vivre ma vie, je peux la comprendre. Elle sait pourtant que ça l’empêche de vraiment vivre. Mais son orgueil la retiendra toujours de pousser la porte d’un psychiatre. Nous en avons parlé. Elle observa même que j’étais le premier à comprendre qu’elle portait encore cette douleur. Elle m’a juré d’être guérie, que mon amour l’avait guérie... mais ce n’était qu’une illusion. J’ai consacré des années pour en sortir, des blessures de l’enfance, elle a repoussé repoussé repoussé la confrontation, sûrement avec parfois l’espoir que le temps arrangerait tout, parfois le fatalisme qu’elle porterait jusqu’au dernier jour cette douleur. Et que finalement, c’était bien ainsi ! Mais nous avons dérivé trop loin dans les relations conflictuelles pour que notre couple puisse devenir ce que nous avions rêvé qu’il soit...



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